lundi 27 juin 2022

Journal d'isolement

 

Ce n'est pas moi, ce n'est pas mon monde qui diminue, se rétracte, dans une petite pièce. Je mélange mes papiers sur le bureau tout le temps.



Faire les courses deux fois par semaine, au supermarché proche de la maison. Je commence mes journées , en buvant du café avec une tranche de pain beurré. Je lis les nouvelles au sujet du virus, et les informations concernant la vie politique compliquée de mon pays de l'autre côté de la Méditerranée.

Au Liban les gens souffrent de misère et des conséquences de la corruption politique, ils ont moins peur du virus Covid-19, que de la faim.
Des jeunes hommes, des femmes et même des enfants tombent sous les balles des forces de sécurité qui protègent les politiciens corrompus et leurs alliés, le clergé et les chefs de confessions.

Après le cours de français “à distance via internet”, il y a d’autres choses à faire : émincer les légumes, assaisonner le viande, beurrer le plat, décongeler le poulet ou la viande du réfrigérateur, préparer chaque jour un repas différent. Parfois je le fais cuire sur la cuisinière. Parfois je prépare le repas au four, de façon différente, mais rarement je préfère manger froid, sauf quand je me sens paresseux.

Le seul moment où je respire, où je m’aère, est une heure de marche dans la nature, de promenade à la campagne autour du village. C’est la respiration du jour.

Chaque semaine je fais des plans et encore des plans, mais c’est inutile, la paresse et la somnolence me tuent , j'ai l'impression de perdre ma maîtrise de l'art d'écrire.

Entre mes quatre murs je ne fais rien d'utile. Je fais à peine mes devoirs avant d'étudier la langue via Hangouts ou ZOOM.Je me sens gêné devant mon professeur lorsque j'ouvre l'écran d'ordinateur sans avoir encore préparé aucun sujet. Je me sens comme un petit enfant qui évite de voir son professeur pour ne pas avoir à répondre à des questions sur les devoirs.

Je feuillette les pages et les actualités des réseaux sociaux plus d'une fois par jour, sans me concentrer uniquement sur le dernier bilan des décès dus à une infection par le coronavirus dans chaque pays, le dernier bilan de ceux qui n’ont pas pu résister à la maladie, aux États-Unis, en Espagne, en Allemagne, en Italie, en France, au Liban et qui sont morts.

Je mets des livres sur la table sans les ouvrir, et je fais pareil avec les quotidiens que j'achète parfois. J'écoute souvent de la musique classique, je cherche à découvrir chaque jour des nouveaux chanteurs et chanteuses. Parfois j'aila nostalgie des vieilles chansons.

La journée passe vite et j'élabore dans mon esprit un plan d'action qui est repoussé tous les jours. Vais-je compléter d’écrire mon roman sur l'asile? Vais-je faire des exercices de grammaire française et la conjugaison ? Vais-je écrire un poème ou un texte sur mon présent du confinement? Dois-je écrire un article politique sur ce qui se passe au Moyen-Orient et en Afrique du Nord? Je ne sais pas par où commencer. Entre la pratique de la cuisine, la navigation sur Internet et le tournage des pages d'un vieux journal ou d'un livre qui traîne sur la table depuis deux mois, je ne sais pas par où commencer, jusqu'à la fin de la journée ... et la nuit commence avec un long film.

Le matin, j'attends la pie bavarde qui est mon oiseau préféré. Bien que sauvage, elle apparaît, prudemment, devant ma fenêtre.
Si la fenêtre est fermée, la pie picore les miettes de pains que je jette sur la rebord de la fenêtre et s’envole.

Elle tient à ce qu’on ne l’approche pas. Bien qu’elle se comporte ainsi, la pie est mon amie à distance, comme mes études, mes réunions, mes discussions, et mes amitiés.

Moammar Atwi
Fait à Lambesc le 27 avril 2020.

Merci monsieur Olivier Coutagne pour les corrections

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